Les ristournes, escomptes et autres sources de revenus d’un franchiseur : un sujet toujours chaud et sensible…
Il y a de ces thèmes qui reviennent continuellement nous hanter : le piètre état de nos routes, les impôts et, en franchisage, les ristournes, escomptes et autres sources de revenus d’un franchiseur sur les achats de produits et de services faits par ses franchisés.
Au cours des quelques dernières années, Tim Hortons, Shoppers Drug Mart et Quiznos, pour ne nommer que ceux-là, ont dû faire face à des recours judiciaires intentés au Canada par certains de leurs franchisés pour ce motif. Au Québec, les médias faisaient récemment état d’un autre important recours de cette nature que se préparaient à engager les franchisés de diverses bannières (Mikes, Scores et Bâton Rouge) du Groupe Imvescor.
Ces ristournes, escomptes et autres sources de revenus sont-elles légales ou illégales?
Puisque le Québec ne possède pas de loi spécifique régissant la franchise, nous pourrions avancer que, du moins en principe, rien dans la loi n’empêche un franchiseur d’obtenir et de conserver des ristournes, escomptes et autres revenus de la part des fournisseurs de son réseau.
Cependant, ce principe de départ souffre de plusieurs atténuations.
En premier lieu, il faudrait que le franchiseur dévoile à ses nouveaux franchisés, avant ou au moment de la signature de la convention de franchise, le fait qu’il obtient, et conserve à son propre bénéfice, de tels revenus des fournisseurs du réseau. Cette divulgation devrait aussi faire l’objet d’une clause claire dans la convention de franchise elle-même.
Bien qu’elle ne soit pas exigée au Québec par une loi spécifique (contrairement à ce qui se passe dans les provinces possédant une loi régissant la franchise), les règles du Code civil du Québec exigent qu’un contractant dévoile les faits importants qui sont à sa connaissance et que l’autre partie ne peut facilement apprendre d’elle-même lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir un impact sur sa décision de signer le contrat aux conditions proposées.
Dans le jugement qu’elle a rendu le 22 mars dernier dans l’affaire 9150-0595 Québec inc. c. Franchises Cora inc., la Cour d’appel du Québec a d’ailleurs clairement réitéré cette exigence en précisant, en outre, que celle-ci s’appliquait aussi aux renseignements internes du franchiseur.
En deuxième lieu, le franchiseur doit s’assurer que son contrat ne comporte pas de clause limitant son droit de recevoir de tels revenus.
À titre d’exemple, une clause stipulant que l’un des avantages de la franchise consiste, pour le franchisé, à bénéficier du pouvoir d’achat du réseau de franchises, une clause stipulant que le franchiseur doit agir dans l’intérêt de ses franchisés ou une clause stipulant que les produits et services vendus aux franchisés doivent l’être à un prix compétitif constituent autant d’obstacles ou, à tout le moins, de limitations, au droit pour le franchiseur de requérir et de conserver des ristournes, escomptes et autres avantages de la part des fournisseurs du réseau.
En troisième lieu, certaines lois peuvent également poser un frein au droit pour un franchiseur d’obtenir des ristournes, escomptes et autres avantages.
Ainsi, les lois et règlements régissant la distribution des médicaments au Québec empêchent un franchiseur d’un réseau de pharmacies de recevoir des ristournes, escomptes et autres revenus de la part des fabricants de médicaments qui approvisionnent ses pharmacies franchisées.
En quatrième lieu, et de façon importante, le fait que le franchiseur ait le droit de recevoir et conserver des ristournes, escomptes et autres avantages de la part des fournisseurs de son réseau ne signifie pas pour autant que ce droit ne connaît pas de limites.
En vertu des règles du Code civil du Québec, une personne qui possède un droit doit l’exercer « selon les exigences de la bonne foi ».
En matière de franchisage, la jurisprudence a aussi clairement établi le principe qu’un franchiseur doit, dans ses décisions, tenir compte des intérêts de ses franchisés et, encore plus, dans les mots mêmes de la Cour d’appel du Québec dans la célèbre affaire Provigo « maintenir la pertinence du contrat qui le (« le Franchisé ») lie pour que les considérations motivant l’affiliation ne soient pas rendues caduques ou inopérantes ».
Si l’on applique ce principe à la question spécifique des ristournes, escomptes et autres sources de revenus d’un franchiseur, cela signifie que de tels revenus pour le franchiseur ne devraient pas empêcher ses franchisés d’acquérir les biens et services requis pour l’exploitation de leurs entreprises à des prix raisonnables et suffisamment bas pour leur permettre de réaliser, en les revendant à des prix concurrentiels, une marge bénéficiaire adéquate leur permettant de profiter de leur affiliation au réseau de franchises. Ce principe est encore plus important lorsque, de par leur contrat, les franchisés sont obligatoirement tenus d’acheter leurs biens et services seulement des fournisseurs prescrits par le franchiseur ou, encore, du franchiseur lui-même.
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Jean H.