La préservation des secrets commerciaux dans le cadre d’un recours judiciaire : un exercice délicat et… parfois périlleux!
La préservation de l’avantage concurrentiel d’une entreprise repose en grande partie sur celle de la confidentialité de ses secrets commerciaux dont, parmi plusieurs autres, des données touchant sa rentabilité telle que la marge bénéficiaire qu’elle réalise sur ses ventes.
La divulgation publique d’un tel renseignement fournira un outil fort pertinent pour les concurrents de l’entreprise, de même que pour certains de ses clients qui y trouveront une donnée fort intéressante aux fins de leurs négociations avec l’entreprise.
Par ailleurs, l’un des aspects fondamentaux de notre système judiciaire est celui de la publicité des débats.
Qu’arrive-t-il alors lorsque ces deux valeurs entrent en conflit, par exemple lorsque la divulgation et la preuve d’un renseignement commercial confidentiel sont nécessaires pour faire valoir un droit?
Certes, il est alors possible de demander des ordonnances particulières pour préserver de tels secrets. Nous pouvons entre autres penser à l’ordonnance de mise sous scellé, au huis clos ou, encore, à l’ordonnance de confidentialité.
Cependant, comme l’illustre bien le jugement rendu le 8 mai dernier par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Brasserie Labatt du Canada c. Brûlerie Caffuccino inc. et als., l’obtention d’une telle ordonnance va à l’encontre du principe général de la publicité des débats et, pour cette raison, est un exercice ardu et, pour l’entreprise, parfois périlleux.
Dans cette affaire, Brasserie Labatt poursuivait un ex-cocontractant ainsi que l’un de ses concurrents en dommages suite à la résiliation unilatérale d’un contrat d’approvisionnement.
Afin d’établir le quantum de ses dommages, Brasserie Labatt devait donc dévoiler au tribunal et aux experts la marge bénéficiaire qu’elle réalisait sur la vente de ses produits puisque la perte de profits constituait la principale mesure des dommages qu’elle avait subis en raison de cette résiliation prématurée.
Face à la nécessité de devoir ainsi divulguer sa marge bénéficiaire au soutien de son recours, Brasserie Labatt a demandé au tribunal une ordonnance de confidentialité afin de restreindre l’accès à cette information financière hautement sensible aux seuls experts.
Sous la plume de l’Honorable François Tôth, la Cour supérieure a rejeté cette requête.
Il vaut la peine de citer ici quelques-uns des motifs de cette décision :
« La publicité des débats est un principe de nature constitutionnelle. (…) C’est Labatt qui a le lourd fardeau de justifier la dérogation à la règle générale de la publicité des procédures. (…) L’existence du risque réel qui menace gravement l’intérêt commercial invoqué doit être bien appuyée par la preuve. (…) Les inconvénients invoqués en regard des informations et documents concernés relèvent de l’intérêt privé. Cela ne serait justifier une dérogation au principe fondamental de la transparence judiciaire. »
L’Honorable juge Tôth réfère aussi largement dans son jugement à celui rendu le 20 juin 2008 par l’Honorable juge Clément Gascon, alors à la Cour supérieure, dans l’affaire Marcotte c. Banque de Montréal dans lequel, au terme d’une analyse de la doctrine et de la jurisprudence sur l’ordonnance de confidentialité, celui-ci avait établi des critères élevés pour l’obtention d’une telle ordonnance.
Y a-t-il un meilleur moyen pour préserver la confidentialité de secrets commerciaux?
Quoique l’on en pense souvent, cela s’avère un exercice difficile, et parfois périlleux, dans le cadre d’un recours judiciaire.
Par contre, de par leur nature consensuelle et privée, les moyens non judiciaires de règlement de différends ne sont pas assujettis au principe de la publicité des débats et, dans cette mesure, offrent de bien meilleurs outils afin de préserver la confidentialité de secrets commerciaux et d’informations confidentielles.
Il s’agit là d’un aspect important à tenir en compte au moment de la rédaction d’un contrat de même que dans les premières étapes d’un litige (alors que, même en l’absence d’une clause à cet effet dans un contrat, les parties peuvent toujours choisir de recourir à un mode privé de règlement des différends).
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Jean H.