Éviter les dédoublements procéduraux
Nous avons, à plusieurs reprises, discuter ensemble de la présentation de moyens préliminaires au stade de l’autorisation d’un recours collectif. Je soulignais à cet égard le 17 décembre dernier une décision de l’Honorable Claude Dallaire qui ordonnait la fourniture de certaines précisions à l’égard des allégations formulées dans la requête en autorisation et je vous indiquais que cela contredisait un courant préalable qui refusait la présentation de certains moyens préliminaires au stade de l’autorisation. Or, si l’on en croit la décision rendue récemment par l’Honorable juge Claudine Roy dans Association des résidents de Mont-Tremblant pour la qualité de vie c. Courses automobiles Mont-Tremblant inc. (2013 QCCS 2249), il reste encore certains moyens préliminaires que les tribunaux refusent d’entendre avant l’autorisation (en l’occurence ici les demandes de radiation d’allégations et de rejet de pièces) parce qu’ils font double emploi avec l’audition de la requête en autorisation elle-même.
Dans cette affaire, l’association Requérante désire intenter un recours collectif contre les Intimées en dommages et intérêts en raison du bruit généré par le circuit de course automobile de Mont-Tremblant. Avant l’audition de cette requête en autorisation les Intimées présentent des requêtes préliminaires, dont des requêtes en radiation d’allégations et en rejet de pièces soumises à l’appui de la requête en autorisation.
Les Intimées plaident en effet que (a) certaines allégations et pièces relèveraient de l’opinion exprimée dans le cadre d’autres litiges et seraient fondées sur des faits antérieurs à la période visée par le recours collectif projeté, (b) certaines allégations et pièces rapporteraient des propos, des informations ou des opinions de tiers, (c) certaines allégations et pièces auraient généralement trait à des plaintes déposées à la Ville pour une période antérieure à celle visée par les procédures et (d) certaines allégations seraient de la nature de conclusions juridiques ou d’arguments en droit et non des énoncés factuels.
Or, jugeant que ces arguments devaient être présentés lors de l’audition de la requête en autorisation et que le traitement de ceux-ci immédiatement créérait des dédoublements, la juge Roy exprime l’opinion que les demandes de radiation et rejet de pièces ne sont pas appropriées à ce stade:
[10] Au stade de la Requête en autorisation, les moyens préliminaires devraient être limités, en raison même de la nature de cette procédure.
[11] Paradoxalement, alors que, trop souvent, l’on reproche à un requérant désirant intenter un recours collectif de ne pas avoir suffisamment investigué avant d’intenter son recours, ici, les Intimées reprochent à l’Association d’alléguer trop d’éléments concernant le bruit entourant la piste de course, dont l’historique, l’évolution de la règlementation municipale et les autres procédures légales concernant cette problématique.
[12] Le Tribunal ne voit aucune utilité à radier des allégations et à ordonner le retrait de pièces avant même d’avoir entendu la Requête en autorisation. Tous les arguments soulevés font double emploi avec la contestation de la Requête en autorisation, contestation qui se fait oralement. Ces arguments pourront être présentés lors de l’audition sur la Requête en autorisation[5]. D’ailleurs, il faut attendre cette audition afin de comprendre avec précision pourquoi ces documents sont déposés au soutien de la Requête en autorisation. Pour l’heure, l’Association indique que plusieurs éléments sont mentionnés à titre contextuel. Il serait prématuré de statuer sur ces éléments avant l’audition de la Requête en autorisation.
Si je vous exprimais le 17 décembre comprendre pourquoi il était impératif d’obtenir des précisions avant l’audition de la requête en autorisation (nonobstant ma croyance personnelle qu’on devrait très rarement aider la partie Requérante en lui permettant de préciser ses allégations) et supporter cette solution en droit, je suis d’accord ici avec le raisonnement de la juge Roy. Si des allégations ou des pièces ne sont pas pertinentes au débat ou sont carrément irrecevables, je ne vois pas d’obstacle à attendre à l’audition de la demande d’autorisation pour le déterminer.