Quelles sont les particularités des baux issus de transactions de cession-bail ?
L’actualité nous rappelait récemment la décision de Radio-Canada (qui avait déjà été annoncée avec maquette à l’appui lors de l’exposition Le Montréal du Futur de 2008, et en plus de détail ici en 2012, notamment), de vendre son immeuble phare à Montréal (la Maison de Radio-Canada), tout en demeurant locataire d’une partie des locaux. Ceci est ressort notamment des articles suivants, intitulés « Radio-Canada deviendra locataire », et « Radio-Canada veut sa nouvelle maison en 2017 »).
Il s’agira donc d’une transaction de cession-bail (en anglais, « sale-leaseback »). Le site Investopedia définit le « leaseback » comme suit :
« An arrangement where the seller of an asset leases back the same asset from the purchaser. In a leaseback arrangement, the specifics of the arrangement are made immediately after the sale of the asset, with the amount of the payments and the time period specified. Essentially, the seller of the asset becomes the lessee and the purchaser becomes the lessor in this arrangement. »
L’engouement pour ce type de transaction n’est pas nouveau, comme on peut le lire dans cet article de 2009, intitulé « Need Cash? Sell the Capitol Building! The New Trend of Government Sale-Leasebacks. »
La décision de conclure ce type de transaction intervient habituellement lorsque les éléments suivants sont réunis :
(i) la volonté du vendeur-occupant de se concentrer sur sa mission première, qui n’est pas dans le domaine de l’immobilier;
(ii) la nécessité ou la volonté de réduire l’espace occupé par le vendeur-occupant, et donc de moderniser les aménagements et de valoriser les espaces libérés; et
(iii) la volonté de développer le site dans son ensemble (par exemple, développement d’un nouveau complexe immobilier, transformation des espaces de stationnement, etc.).
L’avantage, pour le vendeur-occupant (futur locataire), est de transférer à autrui une bonne part du risque lié à la détention d’un actif immobilier. Pour l’acheteur (futur bailleur), l’avantage est de mettre la main sur un site convoité, à haut potentiel de développement, puis de valoriser le site grâce à son expertise en immobilier. De plus, il bénéficiera d’un revenu stable pendant une période assez longue, en l’occurrence le loyer payable par le vendeur-locataire, qui est habituellement un acteur gouvernemental ou institutionnel, ou une entreprise d’envergure qui jouit d’une excellente stabilité financière (« covenant »). Il revient aux parties de s’assurer que le bail reflète ces principes de base.
Quelles sont les particularités que l’on retrouve habituellement dans les baux conclus dans le cadre d’une transaction de cession-bail ?
- Une durée de location plutôt longue (par exemple, un minimum de 10, 15, 20 ans, ou plus), avec des droits donnant une latitude considérable au locataire, dans le temps et dans l’espace (droits de renouvellement, de résiliation, d’agrandissement, de rétrocession d’espaces, droits de premier refus, etc.).
- Un loyer de base et un loyer additionnel qui peuvent être fixés en fonction non seulement des taux du marché, mais également en fonction du prix de vente (par exemple, un loyer élevé se traduira par un prix de vente plus élevé, et vice et versa), et des autres obligations incombant à l’acheteur-bailleur (par exemple, des obligations de rénovation et de développement).
- Des clauses qui répondront aux inquiétudes que le vendeur pourrait avoir à l’idée de d’adopter un statut de locataire, en minimisant l’impression de précarité parfois liée à ce statut, incluant, par exemple : une description détaillée des frais d’exploitation et des taxes pour que le locataire puisse prévoir les montants de loyer additionnel qu’il pourrait être appelé à défrayer en sus du loyer de base, obligations d’entretien du nouveau propriétaire et autres engagements à préserver la jouissance paisible des lieux, pour l’ancien propriétaire-occupant/nouveau locataire.
- Des clauses spécifiques concernant la condition physique et environnementale du site, référant habituellement aux rapports d’ingénierie et environnementaux de Phase I et II réalisés lors de la vérification diligente préalable à la vente.
- Des ententes connexes relevant du droit du travail en cas de transfert des employés s’occupant de l’entretien des immeubles, par exemple.
- Un droit d’exclusivité applicable sur tout ou partie du site en ce qui a trait aux activités exercées par le vendeur-locataire.
- Des restrictions quant à la vente ultérieure de l’immeuble, le droit, pour le vendeur-locataire de racheter l’immeuble à la fin de la durée du bail, ou en cours de bail, par l’entremise de droits de préemption (par exemple, droit de première offre ou de premier refus pour acheter l’immeuble).
La cession-bail est donc une transaction qui donne tout son sens à l’expression
« gagnant-gagnant »…
dans la mesure où le bail est rédigé en ayant à l’esprit les motivations et les intérêts légitimes des deux parties.