Une subvention pour remplacer une réclamation en dommages-intérêts?
La décision Roch Lessard 2000 inc. c. Saint-Augustin (Municipalité de), 2013 QCCA 1606 a été rendue le 20 septembre dernier par la Cour d’appel du Québec. Cette décision traite d’une multitude de questions dont nous discuterons dans des billets séparés au cours des prochaines semaines.
Les faits pertinents de cette affaire sont les suivants: un contrat est octroyé par appel d’offres pour un projet d’assainissement des eaux usées à Roch Lessard 2000 (l’«Entrepreneur») par la municipalité de Saint-Augustin (la «Municipalité»). Ces travaux sont subventionnés à 95% par le gouvernement du Québec.
L’exécution des travaux est laborieuse et le chantier accuse rapidement un retard et des dépassements de coûts. L’Entrepreneur avise éventuellement BPR Groupe Conseil S.E.N.C., les consultants de la Municipalité, qu’il entend exiger des suppléments occasionnés par des informations erronées apparaissant dans les documents d’appel d’offres. Les parties ne s’entendent pas sur le montant et l’Entrepreneur quitte éventuellement le chantier sans finir les travaux. Suite à l’envoi d’une mise en demeure, la Municipalité retire le contrat à l’Entrepreneur, obtient une nouvelle subvention du gouvernement du Québec et fait réaliser les travaux suite à un autre appel d’offres.
La Municipalité poursuit donc l’Entrepreneur pour plus de 5 millions de dollars en dommages pour l’inexécution du contrat. On réclame aussi de la caution la limite de son cautionnement, plus intérêts et indemnité additionnelle.
Le juge de première instance a donné raison à la Municipalité et l’Entrepreneur interjette appel pour plusieurs motifs. Il prétend entre autres que la Municipalité n’a pas l’intérêt nécessaire pour réclamer le plein montant puisque 95% du montant a été payé par le gouvernement du Québec. C’est là l’aspect de cette décision qui nous intéresse aujourd’hui.
Le gouvernement du Québec n’est pas partie au contrat entre l’Entrepreneur et la Municipalité. Le juge rappelle donc l’article 1440 C.c.Q.:
1440. Le contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes; il n’en a point quant aux tiers, excepté dans les cas prévus par la loi.
De plus, le tribunal rappelle l’article 1608 C.c.Q.:
1608. L’obligation du débiteur de payer des dommages-intérêts au créancier n’est ni atténuée ni modifiée par le fait que le créancier reçoive une prestation d’un tiers, par suite du préjudice qu’il a subi, sauf dans la mesure où le tiers est subrogé aux droits du créancier.
Le dommage n’est donc pas réduit par le fait que la Municipalité a reçu une subvention d’un tiers.
De plus, le protocole d’entente précise que la Municipalité assume toute responsabilité légale à l’égard des tiers et prendra faits et cause du gouvernement advenait un litige. Enfin, la Municipalité s’est engagée contractuellement à rembourser les sommes recouvrées au gouvernement.
Le juge conclut donc:
C’est la Municipalité, du fait de l’inexécution contractuelle de l’Entrepreneur, qui subit une perte. Elle a dû faire terminer les travaux par un tiers et elle a subi les retards. Les appelants ne peuvent prétendre qu’un tiers au contrat peut en réclamer l’exécution (…)
La Cour d’appel rejette donc l’appel sur ce point, mais la question des dommages valait la peine d’être explorée.
Nous couvrirons quelques autres des huit questions en litige dans nos billets au cours des prochaines semaines.
Je voulais simplement attirer votre attention sur le fait que nous avons ajouté quelques supplémentaires pour nos cours les plus populaires de l’automne. Vous pouvez jeter un coup d’oeil sur notre calendrier à jour.