En fiscalité, l’erreur est humaine dit la Cour suprême du Canada!

Deux nouvelles décisions du plus haut tribunal du pays confirment que Revenu Québec (applicable également à Revenu Canada) n’a pas le droit, lorsque certaines conditions sont rencontrées, de refuser qu’un contribuable modifie les documents juridiques si une erreur a été commise et qu’elle engendre des conséquences fiscales non désirées.  Ainsi, la Cour suprême du Canada défend ce droit à la rectification pour les contribuables Québécois.

En effet, dans les récentes décisions Agence du revenu du Québec c. Services Environnementaux AES Inc. (« AES ») et Agence du revenu du Québec c. Jean Riopel (« Riopel ») (2013 SCC 65), la Cour suprême a confirmé que chacun des contribuables avaient le droit, en vertu du Code civil du Québec (et notamment des règles d’interprétations des contrats édictées aux articles 1425 à 1432 du Code), de rectifier la documentation juridique nécessaire afin de corriger les conséquences fiscales défavorables non voulues.

Faits

D’une part, dans l’affaire AES, la Cour suprême a conclu que les parties à un accord d’échange d’actions ne voulaient pas modifier les conséquences fiscales, mais voulaient simplement corriger les documents à l’appui pour qu’ils soient en accord avec leur intention d’effectuer une réorganisation de capital selon l’article 86 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada).  Le contribuable a accepté une contrepartie autre qu’en actions trop élevée à cause d’une surévaluation du coût fiscal (soit le prix de base rajusté) des actions faisant l’objet de l’échange, ce qui a causé un gain en capital imposable non voulu.

D’autre part, dans l’affaire Riopel, les parties voulaient effectuer une réorganisation libre d’impôt  se prévalant d’un roulement fiscal, mais, à cause d’une erreur de la part du conseiller fiscal du contribuable, l’échange d’action a résulté en une opération imposable.

Décisions de la Cour suprême du Canada

La Cour suprême était en désaccord avec les arguments avancés par Revenu Québec et Revenu Canada, et a plutôt donné raison aux contribuables (AES et Riopel) en confirmant que la documentation juridique ne reflétait pas l’intention réelle et initiale des parties et, qu’en vertu de l’article 1425 du Code civil, la rectification est permise.

La rectification est une procédure judiciaire où la Cour supérieure du Québec peut rectifier un document pour refléter l’intention réelle des parties.

Le Cour suprême a aussi commenté que les autorités fiscales n’ont pas le droit de profiter des erreurs des parties à un contrat après que ces parties aient corrigées cette erreur par consentement mutuel.  Ce passage important du jugement est reproduit ci-dessous: « En droit civil, le fisc ne possède pas de droit acquis au bénéfice d’une erreur que les parties à un contrat auraient commise, puis corrigée de consentement mutuel ».

Ainsi, la décision unanime du plus haut tribunal du pays renforce la décision qu’avait pris la Cour d’appel du Québec et le principe selon lequel un contribuable a le droit de corriger l’écart entre l’intention commune des parties (le negotium) et l’intention déclarée dans les actes (l’instrumentum), car les demandes étaient légitimes et la correction ne portait pas atteinte aux droits des tiers.

Cependant, la Cour suprême a pris soin de mettre en garde que sa décision n’est pas une invitation à effectuer des planifications fiscales agressives.

dl

Conseil  d’un fiscaliste

En prenant note de l’exigence de la preuve des intentions des parties, il est dorénavant recommandé aux professionnels impliqués dans une planification fiscale d’inclure spécifiquement lors de la rédaction de contrats que l’intention des parties et d’effectuer les opérations avec un report d’impôt, soit sur une base non imposable.

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