En cas de clarté seulement
La question de la nécessité pour le requérant en recours collectif de démontrer un lien de droit à l’encontre de toutes les parties défenderesses proposées a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières années. Or, lorsque l’existence de ce lien de droit n’est pas claire à la lumière de la trame factuelle présentée à la Cour, cette question devrait être laissée pour le juge saisi du fond du recours collectif selon la décision récente de la Cour d’appel dans Fortier c. Meubles Léon ltée (2014 QCCA 195).
Dans cette affaire, la Cour est saisie de neuf pourvois différents. Ils portent tous sur la vente par les sociétés commerçantes Intimées de contrats de garantie supplémentaire (aussi appelée « garantie prolongée » ou « étendue » ou encore « complémentaire ») prévoyant notamment une protection contre une défectuosité éventuelle du bien acquis à l’expiration de la garantie de base offerte par le manufacturier.
La prétention essentielle des Appelants est à l’effet que les Intimées ont fait de fausses représentations et contrevenu au nouveau article 228.1 de la Loi sur la protection du consommateur.
Le jugement est détaillé et je vous invite à le lire si la question des garanties prolongées vous intéresse. Pour nos fins aujourd’hui nous intéresse plus particulièrement la question du lien de droit. En effet, certaines Intimées faisaient valoir qu’il n’existait pas de recours possible contre elles puisque l’entité juridique qui offrait des garanties prolongées était le franchisé et non pas le franchiseur.
L’Honorable juge Jacques Dufresne, au nom d’un banc majoritaire (la juge en chef est dissidente, mais pas sur la question qui fait l’objet du présent billet), indique que la preuve démontrait en effet une absence de lien de droit dans un cas et que le rejet de la requête en autorisation était donc tout à fait appropriée dans ce cas. Cependant, dans un autre cas la preuve ne permettait pas de répondre clairement à la question, de sorte que la solution appropriée était de laisser au juge du fond le soin de décider de la question du lien de droit:
[128] Dans le cas de l’intimée Corbeil Électrique, le juge considère qu’à l’étape de l’autorisation, il est trop tôt pour trancher définitivement l’argument de l’absence de lien de droit entre l’appelant Filion et l’intimée Corbeil Électrique. Il fait observer que les mots « représenté par le franchisé » sur la facture pour les biens vendus à M. Filion laissent planer un doute sur la nature exacte de la relation entre le franchiseur Corbeil Électrique et son franchisé. Il considère qu’il ne peut dans ce contexte rejeter la requête en autorisation pour ce seul motif. Le juge du fond sera mieux placé, selon lui, pour décider s’il existe une relation mandant-mandataire entre Corbeil Électrique et son franchisé. Il a raison. Il est préférable, en cas de doute, de laisser au juge du fond le soin de décider de cette question.
[129] Par contre, le juge estime que la situation de Stéréo Plus se distingue de celle de Corbeil Électrique, et, à mon avis, il a raison. L’appelant Blondin a acheté un bien du franchisé de St-Jérôme de Stéréo Plus, 3586899 Canada inc. (Marlain) ainsi qu’une garantie supplémentaire. Or, le dossier révèle que la garantie supplémentaire a été consentie par le franchisé lui-même et non par le franchiseur. Ce franchisé, contrairement à la plupart des franchisés de la même bannière, offre et vend ses propres garanties supplémentaires, dites « maison ». Le juge de première instance a donc eu raison de conclure que le recours de l’appelant Blondin est effectivement dirigé contre le mauvais défendeur, puisque la garantie supplémentaire a été consentie par la commerçante locale (la franchisée) et non par le franchiseur poursuivi. Les éléments pertinents du dossier sont sans équivoque. Il y a donc absence de lien de droit entre le requérant et Stéréo Plus. La notion de mandat apparent n’entre aucunement en jeu en l’espèce. La requête ne peut donc satisfaire à la condition du paragr. 1003b) C.p.c., ce qui emporte que l’autorisation doit être refusée.
Ce résultat me semble rigoureusement exact. Le stade d’autorisation en est un de filtrage et l’approche à être adoptée s’apparente grandement à l’analyse effectuée dans le cadre d’une requête en irrecevabilité. Pour rejeter une requête en autorisation sur la base de la question du lien de droit, il me semble donc que l’on doit pouvoir établir de manière manifeste une telle absence de lien de droit.