Réflexions sur la facturation
Savez-vous qu’en Ontario, la rédaction d’une convention de prêt avec garantie peut coûter quatre fois plus à un client qu’à un autre (19 333$ vs 4743$)?
Bien qu’il soit estomaquant de voir les écarts de valeur perçue entre deux services qui devraient sembler identiques pour des profanes, cette différence est tout de même explicable dans une certaine mesure…
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Le sondage annuel sur la facturation du Canadian Lawyer Magazine est paru plus tôt ce mois-ci. En prenant connaissance des données, on réalise que malgré tous les rapprochements faits entre les services juridiques et les commodités, il y a toujours un énorme écart de prix entre les différents fournisseurs de services juridiques. On est encore loin d’une commodité où les services sont perçus comme interchangeables.
La comparaison des coûts de plusieurs services permet de mieux mettre les choses en perspective:
- le service de base en droit des affaires, soit l’incorporation d’une petite entreprise simple en Ontario: minimum 800$ et maximum 1536$, pour un écart de 92%;
- la rédaction d’une convention de prêt avec garantie en Ontario: minimum 4743$ et maximum 19 333$, pour un écart de 307%;
- l’application pour un brevet simple faite par un bureau en Ontario: minimum 6500$ et maximum 13 500$, pour un écart de 108%.*
D’un point de vue purement économique, l’interprétation de ces données est intéressante. Revenons à l’exemple de la rédaction de la convention de prêt. Si tout le monde avait accès à la même information (ce qui n’est pas le cas, surtout pour les entreprises n’ayant pas de contentieux), ça signifierait que ceux qui paient 19 333$ croient que le fait d’avoir appelé le cabinet le plus cher, qui n’est pas nécessairement le plus compétent, va leur économiser au moins 14 591$ en coûts réels et cachés. C’est assez logique de croire que sur un emprunt particulièrement corsé de plusieurs dizaines de millions de dollars, un cabinet d’avocat réputé peut avoir cette valeur si on le compare au moins cher, qui est probablement inexpérimenté en la matière.
Or, lorsqu’on compare avec le cabinet moyen qui facture 8865$ et qu’on applique la règle du 80/20, en présumant que le cabinet le plus cher en Ontario diminuera le risque de seulement 20% par rapport à la moyenne, on commence à trouver la différence un peu moins justifiée dans la majorité des cas.
Ajoutons à ça que les problèmes résultant d’une convention de prêt avec garantie sont plus souvent occasionnés par les faits plutôt que par l’aspect juridique et on se pose de sérieuses questions sur la valeur ajoutée obtenue pour l’écart de plus de 10 000$.
Il faut aussi mentionner que le sondage mentionne qu’il s’agit du going rate, soit le taux présentement en vigueur, mais il semble que ce soit plus le taux des dossiers accomplis dans l’année précédente. Les écarts s’expliquent donc probablement par le fait qu’il s’agisse du maximum, donc d’un dossier particulièrement complexe.
Ceci étant dit, nous ne pouvons trouver d’arguments valables justifiant la variation du simple au double pour une simple incorporation…
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* Notez bien que j’utilise l’information de l’Ontario puisque les données individuelles du Québec ne sont pas fournies.