Rachat d’actions: le prix est-il déterminable?

Dans une décision récente, la Cour supérieure s’interrogeait notamment à savoir si une entente relative à un rachat d’actions est intervenue entre deux actionnaires à parts égales. Au terme de son analyse, la Cour conclut que le prix du rachat des actions n’a pas été fixé et qu’il n’existe aucun élément objectif permettant de le déterminer.

Plus précisément, cette décision oppose Christian Yelle («Yelle») à Martin Lefrançois («Lefrançois»), deux actionnaires de la société Excavations Yelle & Lefrançois inc. (la «Société»). En demande, Yelle intente un recours en liquidation judiciaire étant donné que la Société est dans une impasse et n’opère plus depuis quelques années. En demande reconventionnelle, Lefrançois, bien que d’accord avec le recours en liquidation judiciaire, allègue qu’il a été convenu que Yelle lui rachèterait ses actions et par conséquent, souhaite qu’il soit condamné à lui payer la somme de 269 813$ à ce titre.

La Cour doit donc déterminer s’il y a effectivement eu une entente relative au rachat des actions de Lefrançois. Tel que mentionné précédemment, elle répond à cette question par la négative. En appliquant les principes énoncés à l’article 1708 C.c.Q., la Cour doit déterminer s’il y a eu une entente quant au bien et au prix. Comme la question du bien ne pose pas problème, elle entreprend l’analyse du deuxième élément.

La Cour réitère d’abord que le prix doit être déterminé ou déterminable. En ce sens, elle explique que «l’entente entre les parties doit comprendre suffisamment d’éléments objectifs sur la façon de fixer le prix de manière à ce qu’il soit possible au moment de la vente de le déterminer avec précision». Or en l’espèce, il n’existe aucune preuve d’une telle entente. La Cour partage l’avis de Yelle selon lequel le prix n’est pas fixé puisque la valeur de la Société restait à évaluer et se prononce comme suit :

[54]       Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour déterminer la valeur des actions d’une société et plusieurs facteurs peuvent être pris en compte dans l’estimation de ce prix.  À titre d’exemple, les parties peuvent retenir la valeur comptable, la valeur comptable ajustée tenant compte de certains éléments dont la plus-value de certains biens, les profits ou pertes réalisés depuis le dernier bilan ou encore la juste valeur mar­chande.

[55]        Bref, il y a une multitude de façons d’établir la valeur d’actions.

[56]        Le fait de prévoir que la valeur de la société sera établie n’est pas en soi un élément objectif permettant de déterminer la valeur des actions au moment de la vente.

[57]        En effet, une fois cette valeur établie quel aurait été le prix des actions de Mon­sieur Lefrançois : la valeur comptable, la valeur comptable ajustée, la juste valeur marchande?  Aurait-on par exemple tenu compte de l’achalandage, de l’avantage pour Y.L. inc. que Transports entrepose la machinerie d’Y.L. inc. sans frais?  Aurait-on pris en considération l’apport de Monsieur Yelle en connaissance et contact d’affaires? Rien de tout ceci n’a été discuté et encore moins prévu.

De plus, la Cour est d’avis qu’il ne lui revient pas de déterminer le prix du rachat des actions puisqu’il s’agit d’un élément essentiel de la transaction qui n’a pas été fixé et qu’elle ne dispose pas de suffisamment d’informations pour le déterminer.

En raison de ce qui précède, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu d’accord de volonté entre Yelle et Lefrançois quant au rachat des actions de ce dernier. Ainsi, il en ressort que lorsque les parties ne sont pas en mesure de déterminer le prix du rachat des actions, elles doivent s’assurer que leur entente fournit suffisamment d’éléments objectifs permettant de fixer la contrepartie attendue au moment de la vente.

 

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