La diligence est de mise dans la transmission d’avis au Registraire des entreprises

La Division des petites créances de la Cour du Québec a récemment rendu une décision intéressante en matière de responsabilité professionnelle. Plus précisément, il s’agit d’une poursuite opposant l’ancienne administratrice d’une société par actions («Mme Laroche») à Services Comptables Pro-Gestion («Pro-Gestion») et son président Pierre Parent.

Les faits

Dans son action en dommages-intérêts, Mme Laroche réclame la somme de 15 000$ à Pro-Gestion et Pierre Parent pour avoir fait défaut d’aviser le Registraire des entreprises du Québec (le «Registraire») de sa démission à titre d’administratrice de la société Trottier Électrique inc. («Trottier Électrique»). Elle soutient qu’en raison de sa qualité apparente d’administratrice aux yeux des tiers, elle a été exposée à des réclamations de Revenu Québec pour le paiement de dettes fiscales contractées par Trottier Électrique.

Quant aux défendeurs, ceux-ci sont d’avis que puisqu’ils agissent seulement pour leur cliente Trottier Électrique, il n’existe aucun lien entre eux et Mme Laroche. Ils sont également d’avis que la réclamation de cette dernière est prescrite car le retard dans l’envoi de l’avis a été constaté en 2010. Enfin, Pierre Parent prétend que sa responsabilité personnelle ne peut être engagée en raison du voile corporatif.

Le dirigeant de Trottier Électrique est le mari de Mme Laroche, Pierre Trottier. Au début, elle l’aidait relativement à la tenu de livres et est par la suite devenue administratrice en 2006. Or en 2008, en raison d’un nouvel emploi, elle démissionne de son rôle d’administratrice. Ce faisant, son mari demande à Pierre Parent d’accomplir les formalités nécessaires. La Cour remarque que des résolutions datées du 1er mars 2008 témoignent de cette démission. Malgré l’existence de ces dernières, Pierre Parent ne se souvient pas les avoir rédigées.

La décision

De l’avis de la Cour, Pierre Parent a bel et bien rédigé ces résolutions, d’autant plus qu’il s’occupe de l’organisation corporative de Trottier Électrique. Ces résolutions n’ont toutefois été transmises au Registraire que le 3 février 2010.

Après un litige s’échelonnant sur une période de trois ans, la réclamation de Revenu Québec contre Mme Laroche se solde par un règlement lui requérant de payer 24 895$. Ainsi, les honoraires extrajudiciaires encourus en raison de cette réclamation amènent Mme Laroche à intenter une action contre les défendeurs.

Dans son analyse, la Cour écrit premièrement que le défaut d’envoyer l’avis au Registraire «fait en sorte que cet[te] administra[trice] est présumé[e] demeurer administrat[rice] face aux tiers jusqu’à ce que la démission soit inscrite au Registre». Elle est d’avis que Pro-Gestion a fait défaut de publier l’avis de démission dans les délais. En effet, la preuve démontre que cette dernière a préparé les résolutions requises afin d’officialiser la démission de Mme Laroche. La preuve établit également que Pro-Gestion n’a pas avisé le Registraire en temps opportun. Sans ce défaut, Mme Laroche aurait évité la poursuite de Revenu Québec.

Quant à la question du lien de droit entre Mme Laroche et Pro-Gestion, la Cour énonce que Pro-Gestion pouvait tout de même engager sa responsabilité professionnelle à l’égard d’un tiers en vertu du régime de l’article 1457 C.c.Q.

Ainsi, la Cour est d’avis que Pro-Gestion doit être tenue responsable des dommages réclamés par Mme Laroche. Elle qualifie cette omission de faute professionnelle. Cette omission a entraîné Mme Laroche dans une longue poursuite au terme de laquelle elle a dû débourser une somme importante.

La Cour rejette l’argument voulant que l’action de Mme Laroche soit prescrite puisque même si celle-ci a constaté cette faute en 2010, ce n’est qu’au moment du règlement intervenu avec Revenu Québec, soit en 2014, qu’elle a été en mesure de réaliser les dommages causés par Pro-Gestion.

La Cour rejette toutefois la réclamation de Mme Laroche à l’égard de Pierre Parent puisque ce dernier ne s’est pas comporté de manière à ce que l’article 317 C.c.Q. trouve application.

Cette décision réitère donc l’importance, tant pour les professionnels que pour les individus veillant eux-mêmes à l’administration de leur société, de faire preuve de diligence dans la transmission d’avis au Registraire. Cette affaire illustre que cette affirmation est d’autant plus vraie dans le cas de l’avis portant sur la démission d’un administrateur.

 

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