Planification stratégique d’un achat d’entreprise: qu’est-ce qui importe vraiment?

Cartes sur table: ce billet n’est pas très juridique. Cette semaine, j’avais plutôt envie de parler un peu de business, plus particulièrement de fusions et acquisitions.

En effet, le marché du M&A est assez fertile ces temps-ci. Nous savons que les taux d’intérêt sont très bas et resteront probablement à des niveaux similaires dans le futur envisageable. Or, plusieurs autres facteurs, incluant notamment la démographie occidentale, sont réunis depuis quelques années pour stimuler le marché, surtout au niveau des PME. Étant donné cette réalité, je voulais au cours des prochaines semaines lancer des discussions sur différentes étapes d’un processus d’achat d’entreprise afin de stimuler une réflexion chez nos lecteurs et en relisant ce billet une première fois, j’ai réalisé qu’on y discute peu de droit. Voilà, vous êtes avertis.

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Commençons par le début. La première étape dans un processus d’acquisition d’entreprise est la planification stratégique de l’acheteur. Cette période de réflexion et d’analyse implique généralement 4 stades, mais rares sont les situations où un acquéreur pourra compléter l’ensemble du processus d’emblée, étant donné le manque d’information sur les cibles potentielles en début de parcours. Au cours de cette analyse, on doit se poser les questions suivantes:

  1. Pourquoi voulons-nous faire une acquisition?
  2. Qui sera notre cible?
  3. Quelle valeur attribuons-nous à la cible?
  4. Comment payer?

Survolons rapidement ces quatre éléments.

1. Le motif de l’acquisition. Hormis les désirs d’un chef de direction emballé, il existe 4 principales raisons d’affaires pour acquérir une entreprise:

  1. Une entreprise est sous-évaluée, ce qui signifie que sa valeur actuelle est inférieure à ce que cette cible vaut réellement. Notez que la sous-évaluation peut être due à des facteurs internes, comme des vendeurs qui comprennent mal la valeur de l’actif, ou externes à l’entreprise, comme le fait qu’une industrie complète soit sous-évaluée à un moment donné.
  2. Un besoin de diversifier les activités de l’acquéreur pour réduire le risque et stabiliser la profitabilité. Cette diversification peut être géographique ou plutôt mener à un achat dans un domaine connexe ou complètement différent.
  3. La création de synergies, qui représente la valeur supplémentaire dégagée par la combinaison de deux entreprises. Ces synergies peuvent être opérationnelles, comme la création d’économies d’échelle provenant de l’achat d’un compétiteur, ou financières, tels que les avantages fiscaux qui peuvent résulter d’une acquisition ou l’augmentation de la capacité d’emprunt.
  4. On observe qu’une entreprise particulière n’est pas gérée de manière optimale et l’acquéreur croit pouvoir la restructurer pour bénéficier de la valeur ainsi générée.

Tel que mentionné en début de section, nous excluons ici toute raison personnelle des membres de l’équipe de gestion qui voudraient acquérir une entreprise pour des raisons plus émotives (pour ne pas dire sentimentales).

2. Le choix de la cible. De toute évidence, le choix de la cible est intimement lié aux motifs de la transaction, particulièrement dans le cas manifeste de la sous-évaluation. Par contre, quand une industrie entière est sous-évaluée, la cible parfaite n’est pas toujours évidente, d’où l’importance d’une solide vérification diligente…

Dans le cas d’une opération de diversification, on cherche une entreprise différente de celle l’acquéreur pour une quelconque raison. On peut soit espérer conquérir de nouvelles régions, par exemple, lorsqu’une société française achète une entreprise au Québec, ou attaquer un nouveau segment de marché, comme un média traditionnel qui achète une publication en ligne.

Il faut noter qu’à titre de juriste, notre rôle changera en fonction de la situation où se trouve l’acquéreur. Par exemple, il arrive parfois que l’équipe de gestion de notre client a une cible en tête et cherchera à trouver un motif pour l’acquisition plutôt que l’inverse, ce qui nous ajoute beaucoup de pression. Dans ce contexte, on peut avoir beaucoup de difficulté à se faire entendre sur les risques liés à la transaction.

3. La valorisation. La valorisation d’une entreprise est à la fois une art et une science et, vu de l’extérieur, il est extrêmement difficile d’évaluer une acquisition au moment où elle a lieu. Pour les amateurs de sports parmi vous, c’est un peu comme essayer d’évaluer le repêchage d’une équipe sportive sans avoir joué un seul match. Par exemple, lorsque Facebook a acquis Instagram pour 1 milliard en 2012, certains chroniqueurs criaient haut et fort que c’était de la pure folie. Or, deux ans plus tard, on ne se gênait pas pour affirmer que Facebook avait «volé» Instagram.   Il y a par contre certaines règles de base qu’un acheteur averti devrait connaître. Par exemple, lorsqu’on détermine la valeur d’une entreprise sous évaluée ou que l’on veut simplement diversifier nos opérations, un acquéreur ne devrait pas accorder de prime sur la valorisation et donc ne devrait pas être prêt à payer plus que la valeur réelle de l’entreprise. Si on évalue des synergies, l’exercice est plus complexe. Pour des synergies opérationnelles, on étudie les deux entreprises séparément (l’acquéreur et la cible) et on regarde ensuite les deux entreprises ensemble. La différence entre les valeurs totales correspond à la prime qu’on accorde à cette acquisition grâce aux synergies. En théorie, les synergies financières sont un peu plus simples, mais ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, vos fiscalistes peuvent calculer les économies réalisées grâce à une synergie fiscale, mais l’acquisition d’une entreprise en manque de liquidités mènera à évaluer des projets planifiés mais non réalisés, ce qui comporte une bonne dose de risque… Bien qu’il soit rarement du ressort des juristes de se prêter au jeu de la valorisation, il est important de connaître la valeur objective et subjective d’une cible dans le cadre d’un processus de négociation. Ne l’oublions pas, valeur n’égale pas nécessairement prix payé et plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer le nombre de zéros sur le chèque à la ligne d’arrivée. 4. Paiement de l’acquisition. Plus souvent qu’autrement, deux options s’affrontent. Actions vs Argent. En terme d’importance, ce choix s’apparente à «l’oeuf ou l’enveloppe» ou «steamés vs toastés». Si l’acquéreur croit que ses actions sont sous-évaluées, ce dernier voudra payer en argent. L’inverse est également vrai. Quant à lui, un vendeur qui reçoit des actions demandera probablement une prime puisque ces dernières ne sont pas aussi liquides.

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C’était un survol très grossier de l’étape de planification stratégique d’une acquisition. Tel que promis, c’était peu juridique. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur, tout comme vous me pardonnerez les 85 exceptions que j’ai intentionnellement omis de mentionner…

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