Obligations contractuelles : la force majeure n’excuse pas tout

La pandémie a bouleversé nos vies, nos habitudes… et nos contrats. Peut-on se libérer d’une promesse d’achat immobilière en invoquant la force majeure? Une récente décision de la Cour supérieure du Québec nous éclaire sur cette question et rappelle que les engagements contractuels ne disparaissent pas avec les incertitudes.

En janvier 2020, un couple met en vente leur maison de luxe à Saint-Sauveur. Rapidement, une offre d’achat est acceptée : 2,35 millions de dollars, sans condition hypothécaire. L’inspection se déroule sans accroc, le notaire est prévu pour avril.

Mais en mars, la pandémie frappe. Le gouvernement ferme plusieurs secteurs, dont celui de la construction, dans lequel œuvre l’acheteur. Ce dernier demande alors une réduction de prix et un délai supplémentaire, ce que les vendeurs refusent. À ce moment, les vendeurs avaient déjà acheté un condominium, comptant sur le produit de la vente pour financer leur nouvelle acquisition.

Résultat : la transaction entre les parties échoue. La propriété est ensuite vendue à un autre acheteur, mais à un prix inférieur. Les vendeurs, subissant une perte financière, intentent alors une action contre l’acheteur initial afin de récupérer la différence.

Mais, la Cour supérieure rejette l’argument de force majeure invoqué par l’acheteur. Selon le juge:

« Les défendeurs invoquent la pandémie pour annuler ou renégocier la promesse. Cette conduite, même dans ce contexte difficile, est fautive et déloyale puisqu’ils n’ont jamais été dans l’impossibilité d’exécuter leurs obligations[1]. »

Le tribunal conclut que la COVID-19 ne constitue pas une force majeure dans ce cas précis, et condamne donc l’acheteur à verser des dommages-intérêts.

Ce qu’il faut retenir:

  • Une promesse d’achat est un contrat ferme. Elle engage les parties à respecter leurs obligations, sauf impossibilité réelle.
  • La force majeure ne s’applique que si l’événement rend l’exécution du contrat absolument impossible, et non simplement plus difficile ou incertaine.
  • La pandémie, bien qu’exceptionnelle, n’exonère pas et ne modifie pas automatiquement les responsabilités contractuelles.

La COVID-19 a changé bien des choses, mais elle n’a pas suspendu le droit des contrats. Une promesse d’achat est un engagement sérieux. Et comme le rappelle le juge on ne peut pas se détourner de nos obligations simplement parce que le contexte devient inconfortable ou onéreux. En droit comme en immobilier, la rigueur contractuelle reste la meilleure garantie contre les imprévus. Et dans un marché incertain, mieux vaut signer avec prudence… que plaider avec regrets.


[1] Pagé c. Hogue, 2025 QCCS 3330 (CanLII), <https://canlii.ca/t/kffsq>, consulté le 2025-10-01.