Vive le Roi au royaume de Mickey !
En effet, la longévité du monarque et de sa descendance est un élément clé lorsqu’un contrat contient une clause de vie royale (« Royal Lives clause »). Quoi ? Eh oui, il peut être surprenant pour un juriste civiliste d’apprendre qu’il existe, dans la tradition de common law, le concept de la clause de vie royale. Et, non seulement ce type de clause existe-t-il toujours, mais il est soudainement devenu d’actualité[1] dans un royaume non loin de nous, soit Disney’s Magic Kingdom en Floride. Il s’avère que peu avant son couronnement officiel, le Roi Charles III fait sa première apparition dans un contrat commercial au royaume de Cendrillon et compagnie.
Disney, comme tout royaume digne de ce nom, jouissait depuis plus de cinquante ans d’une forme d’autogouvernance au sein de l’état floridien par l’entremise du Reedy Creek Improvement District, organisme qui gouvernait les services municipaux sur son territoire. Toutefois, dans la foulée des fameux différends qui opposent le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, et Disney, le Reedy Creek Improvement District a été dissous et remplacé par un nouvel organisme (Central Florida Tourism Oversight District), davantage favorable aux politiques du gouverneur. C’est alors que le Central Florida Tourism Oversight District a appris que ses pouvoirs sont en fait limités en raison d’un contrat de développement conclu avant sa création entre son prédécesseur et Disney. Ce contrat prévoit que Disney n’a plus besoin de l’autorisation d’un tel organisme pour agir, notamment en matière de publicité et de conception d’infrastructures. Or, en ce qui concerne la durée des dispositions de ce contrat, les parties ont prévu une durée à perpétuité ou, si cette dernière est jugée invalide, « … [traduction libre] jusqu’à 21 ans suivant le décès du dernier survivant des descendants de Sa Majesté le Roi Charles III du Royaume-Uni vivant au moment de cette déclaration »[2].
Ces clauses de vie royale remontent au 16e siècle au Royaume-Uni. Elles avaient été conçues pour contourner les règles de l’époque qui cherchaient à éviter que des restrictions soient placées sur la propriété privée à perpétuité. Il s’agissait donc d’un moyen détourné de prolonger la durée d’un contrat. Souvent utilisées dans les fiducies de common law, elles prévoyaient que les obligations dureraient jusqu’à 21 ans suivant le décès du dernier descendant du bénéficiaire de la fiducie vivant au moment de cette déclaration. Par contre, étant donné l’étendue et la richesse de la famille royale, ses membres risquaient de vivre plus longtemps que ses sujets. De ce fait, certains rédacteurs ont commencé à insérer des références à ces derniers pour prolonger davantage la durée de leurs contrats, la common law exigeant qu’il doive s’agir d’une personne désignée précisément et en vie au moment de conclure le contrat.
Les représentants du nouveau Central Florida Tourism Oversight District ont l’intention de contester la légalité de ce contrat devant les tribunaux. Il en résulterait, selon eux, une délégation illégale des pouvoirs publics à une entreprise privée, en l’occurrence Disney. De son côté, Disney soutient que le contrat signé entre elle-même et le Reedy Creek Improvement District a été conclu en toute transparence et conformément aux lois applicables.
Il reste donc à voir ce qu’un tribunal américain dira de cette ingérence royale au royaume de la liberté… Long live the King?
[1] Voir, entre autres, https://financialpost.com/legal-post/king-charles-disney-fight-with-florida.
[2] Texte original : « […] until 21 years after the death of the last survivor of the descendants of King Charles III, King of England living as of the date of this declaration. »