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Le hockey, l’entêtement et le respect

Jeremy Roenick, joueur de hockey bien connu, se demandait dernièrement à quand le retour du respect dans la Ligue nationale de hockey, vu tous les traumatismes à la tête.  Algonquin J. Calhoun, criminaliste, avait un dernier conseil pour ses clients envoyés à la chaise électrique : ‘Restez debout!’. Est-ce qu’on est de même condamnés à crier sur tous les toits, avec le même potentiel de résultat: « Ayez un peu de respect! ». Le Barreau du Québec, la magistrature, The Gazette, beaucoup de monde exige le respect mais, semble-t-il, il leur échappe toujours.

« Bien parler, c’est se respecter ». C’est un slogan découlant de la révolution tranquille. L’individu est visé là dans son amour-propre. La paix, le respect et l’amitié sont les valeurs des alliances fondatrices du Canada. Le respect joue donc également au niveau de la société à l’égard de la souveraineté. Est-ce que les abus dans le monde, par exemple le racisme, pourraient être corrigés par le respect ou est-ce que les abus prennent le dessus de toute façon et qu’on se retrouve soit avec le pseudo-respect de la rectitude politique, soit avec le faux respect du Parrain dans les films hollywoodiens?

Le respect est probablement la porte tournante de la résolution des différends. Les promoteurs réalisateurs font la promotion du respect dès le début jusqu’à la fin et tout le long du processus et à tous les instants. Ce n’est pas parce que les gens se trouvent en conflit et par la suite en différend et même en litige que les gens perdent leur droit au respect et doivent subir et souffrir la prise de contrôle de leurs affaires par des tiers. C’est justement à ce moment et dans de telles circonstances que les gens ont le plus besoin de respect.

Les chercheurs, suite à des expériences informatisées, ont fait rapport de l’importance d’enseigner le souci d’autrui, autrement dit le respect de l’autre, en supposant que les gens aient déjà le souci d’eux-mêmes. Revoir Robert Axelrod, « Donnant, donnant ». Voir aussi les dialogues de Platon, notamment Ménon, et l’œuvre de Paolo Freire, « Pédagogie des opprimés » et Pedagogy of Hope. Le tout est bien résumé, il me semble, dans le conseil « Aime ton prochain comme toi-même ».

Nos connaissances et notre technologie nous permettent de construire, à partir des éléments de la justice, des systèmes, des processus favorisant le respect et contrant le non-respect. Le défi relève de la nature humaine et la présence de tendances d’agression et de fuite (voir Demonic males – Apes and the origins of human violence, op.cit.) en coexistence avec la présence de tendances de créativité et de générosité. Comment contrer l’agression et la fuite et en même temps promouvoir la créativité et la générosité?

Le défi est de taille. Le débat et le litige devant une cour de justice existent. Pour bien faire, il nous faut aller au-delà du débat. Il faut s’éloigner du combat de sorte qu’on n’en parle même plus dans la résolution des différends. Ce qu’il nous convient de nommer dialogue pour le distinguer du débat offre cette possibilité de réfléchir avant d’agir et d’agir avec respect. Certains se demandent comment le fait de dialoguer, de parler civilement peut être efficace pour résoudre des différends profondément enracinés. En fait, le dialogue est probablement le seul moyen d’y arriver, car à l’intérieur des pourparlers on s’engagera à poser des gestes concrets, sur une base réciproque, des gestes respectueux de soi-même et conscients de l’intérêt de l’autre.

Le sens ordinaire du mot « respect », c’est le « fait de prendre en considération » et le « sentiment qui porte à accorder à quelqu’un une considération admirative, en raison de la valeur qu’on lui reconnaît, et à se conduire envers lui avec réserve et retenue » – Le Petit Robert. Par ailleurs, le grand dictionnaire Collins de la langue anglaise lie les mots respect et honour. J’en conclus que la Cour suprême du Canada parle de respect quand elle parle d’honneur dans la cause de Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511 et que la Couronne a une obligation de respect envers les peuples autochtones du Canada et par conséquent un devoir de consultation envers eux :

« 16 L’obligation du gouvernement de consulter les peuples autochtones et de prendre en compte leurs intérêts découle du principe de l’honneur de la Couronne. L’honneur de la Couronne est toujours en jeu lorsque cette dernière transige avec les peuples autochtones : voir par exemple R. c. Badger, [1966] 1 R.C.S. 771, par. 41; R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456. Il ne s’agit pas simplement d’une belle formule, mais d’un précepte fondamental qui peut s’appliquer dans des situations concrètes. »

Si on se place dans le contexte d’un litige, le respect n’est tout simplement pas au rendez-vous. Certains aiment à penser qu’autrefois il y avait du respect, mais je pense que c’était le respect de la représentation et non pas le respect de la participation. Il nous faut un système qui tourne autour du respect, le vrai respect, de la participation et de  l’accompagnement. Par exemple, il n’y a aucune disposition ni dans le Code actuel ni dans l’Avant-projet de loi qui permette que l’avocat accompagne le justiciable. Présentement, soit l’avocat  représente un justiciable, soit le justiciable se retrouve seul.

Il ne suffit pas d’ordonner le respect dans un système où cet élément fait défaut. Il faut redémarrer le système à partir de cet élément de la justice. Il faut aussi tenir compte de l’emploi de la tromperie par l’homo sapiens pour sa survie (voir Ian Leslie,  Born liars : why we can’t live without deceit et Harriet Lerner, The Dance of Deception. Dans un environnement sécuritaire, celui que je préconise, les gens peuvent laisser tomber leur entêtement, ils peuvent même se passer de faux-fuyants, pour trouver la meilleure solution à leurs différends.

Dans ce système du dialogue, les marques de respect abondent : on bâtit ensemble le processus le mieux approprié à même les éléments de la justice; on valorise les personnes tout en traitant des points en litige; on profite de l’expérience de chacun; on favorise l’écoute, la réciprocité, le souci d’autrui; on obtient des informations authentiques; on examine les options de façon systématique, le tout tel que plus amplement décrit dans des articles précédents.

Le dialogue est souvent employé dans le domaine international pour résoudre des différends profondément enracinés. Pour que le dialogue soit mieux connu au Québec, il faudrait un encadrement législatif où l’Assemblée nationale du Québec, souveraine en la matière, donne le ton et le mot d’ordre, prévoie à la sensibilisation du public et montre l’exemple.

Quant aux hockeyeurs qui n’ont pas le temps de réfléchir dans le feu de l’action, il faut contrer les tendances agressives d’une autre manière en faisant appel à des stratégies particulières, peut-être en bannissant les récidivistes après un certain nombre d’avertissements. On peut favoriser ce qu’on veut, par exemple, la vitesse et l’agilité, éléments constituants de la beauté du jeu.

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