En avril dernier, je discutais avec vous de la possibilité de soulever une question constitutionnelle au stade de l’autorisation d’un recours collectif (voir mon billet ici: http://bit.ly/O7sdQu). Hormis la question de la possibilité d’avancer un tel argument à ce stade, j’émettais l’opinion qu’il pouvait être risqué de le faire puisqu’il était alors possible que le juge tranche la question en faveur de la partie requérante, laissant la partie intimée sans possibilité d’appel avant le jugement final. J’attire aujourd’hui votre attention sur l’affaire Renaud c. Holcim Canada inc. (2012 QCCS 3266) parce qu’elle illustre bien ce dernier point.

Dans cette affaire, l’Intimée conteste l’autorisation du recours proposé. Elle soulève parmi ses arguments de contestation le fait que le recours serait, selon elle, clairement prescrit. Saisi de l’autorisation, l’Honorable juge Martin Dallaire rejette l’argument et opine que, à la lumière des faits qui lui sont présentés à ce stade, les membres du groupe étaient dans l’impossibilité d’agir.

Aux yeux de l’Intimée, cette décision est problématique parce qu’elle ne peut pas la porter en appel et que le juge Dallaire restera saisi du recours au mérite (rendant la possibilité qu’il rende subséquemment une décision différente sur la question assez mince). Elle prend donc la décision radicale de demander la récusation du juge Dallaire, plaidant qu’il n’aurait pas dû se prononcer de manière définitive sur la question de la prescription dans le cadre de son jugement en autorisation.

Le juge Dallaire rejette cette requête et souligne qu’en plaidant la question de la prescription à l’autorisation, l’Intimée courrait le risque d’une décision défavorable à cet égard:

[37] Ici, le moyen de la prescription soulevé de façon préliminaire imposait une décision, et d’ailleurs la défenderesse souhaitait une issue favorable de son argument.

[38] Le tribunal se gouverne alors selon la volonté des parties et selon la preuve abondante et bien appuyée de part et d’autre. Il en est ressorti que les représentations sur ce volet ont occupé un large temps d’audition fort révélateur de son importance.

[39] Rappelons que la défenderesse-requérante plaidait que le recours était manifestement prescrit, et ce, pour plusieurs raisons, dont entre autres, que les requérants n’étaient pas dans l’impossibilité d’agir et que les requérants et les membres du groupe n’ont pas agi avec vigilance dans les circonstances. Ces deux moyens étaient plaidés simultanément et de façon alternative.

[40] Dans son plan de plaidoirie, la défenderesse-requérante a fortement invité le tribunal à se prononcer sur la prescription, notamment :

[…]

[41] Le tribunal s’est prononcé sur l’élément de l’impossibilité d’agir en raison de la preuve qui était admissible, et sur le fait que cette prescription découlait de l’ensemble des faits tel que présenté, sans preuve complémentaire ou additionnelle.

Cette affaire illustre bien le danger de plaider des questions de droit au stade de l’autorisation. C’est donc une décision qui doit être bien réfléchie à la lumière des risques potentiels.

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